Du visage des santons... au regard des autres.
Publié le 6 Février 2007
Le visage des autres, c'est ce que l'on évite parfois ( souvent ?) de regarder quand on croise dans la rue un inconnu d'allure un peu bizarre, trop différent de nous. Ces autres-là ne passent pas inaperçus comme la plupart des gens que nous voyons, qui eux, nous paraissent normaux, nous laissent pour la plupart indifférents. Nous les voyons sans les regarder vraiment. Dévisager un inconnu dans la rue cela ne se fait pas. C'est presque une agression. A ce compte, il ne me reste plus que le loisir de regarder à mon aise uniquement celles et ceux qui me sont familiers.
C'est que regarder quelqu'un n'est pas une simple affaire.
Toiser du regard, c'est mesurer, juger l'autre sans autre forme de procès. Croiser un regard dans la rue devient alors une aventure périlleuse. Il y a certes le cas extrême de ceux qui ne peuvent voir que de l'agression dans le regard de l'autre. Les regarder c'est les provoquer, leur déclarer la guerre, c'est s'exposer à leur violence.
Regarder c'est juger et c'est cela peut-être qui est insupportable pour eux. Derrière cette violence se cache me semble-t'il ce refus d'être catalogué, enfermé dans la prison où le regard de l'autre les enferme. Terrible aveu d'échec. Impossible de se penser autrement que ce que l'on est. D'en être fier même s'il n'y a pas de quoi aux yeux des autres. La solution de facilité est de s'en prendre à n'importe qui plutôt qu'à soi-même.
Je comprends pourquoi cet étudiant français vivant au Japon écrit ceci sur son blog :« ... dans une foule, c'est toujours très facile de repérer l?étranger : c'est celui qui vous regarde. »
Impossible enfin de ne pas citer le philosophe Emmanuel Lévinas : « "La responsabilité est quelque chose qui s'impose à moi à la vue du visage d'autrui". "De toute éternité, un homme répond d'un autre. Qu'il me regarde ou non, il me regarde ; j'ai à répondre de lui. J'appelle visage ce qui ainsi, en autrui, me regarde".
La condition humaine, l'humanité toute entière, je la découvre derrière le regard vivant de ces santons de ma crèche dont Yves a fait ces belles photos.
Berger de l'atelier Rampal
Sage-femme (20cm), Paul Fouque
Berger agneau de Robert Canut (15cm)