le village de mon enfance...

Publié le 22 Janvier 2006

 Je vis  dans le village de mon enfance depuis bientôt 60 ans... Un village rural qui dans les années cinquante comptait moins de 400 habitants. La plupart d'entre eux vivaient de la culture de la vigne, les uns  comme propriétaires exploitants les autres comme régisseurs ou ouvriers. Mon enfance a été rythmée par la vie de cette communauté organisée autour des travaux des champs: les vendanges, la taille de la vigne, le labourage.

 J'ai connu la fin d'une époque, d'un art de vivre ancestral où les paysans vivaient le plus possible en autarcie, économisant tout, ne jetant rien à la poubelle qui ne débordait pas alors d'emballages inutiles. J'ai connu l'époque des charrettes attelées à des chevaux de trait qui traversaient lentement la rue principale du village matin, midi et soir. J'ai vu peu à peu les tracteurs remplacer les chevaux et les mules. Les quelques troupeaux de mouton existants ont peu à peu disparu du paysage. J'ai vu partir en fumée une civilisation agraire dont l'origine se perd dans la nuit des temps. Bergers et paysans avaient des modes de vie presque inchangés depuis des siècles. Un monde s'est écroulé. Un autre a surgi, celui de notre modernité, de notre course à la consommation et au profit... Avoir un tracteur était un symbole fort de modernisme et de prospérité, de confiance en l'avenir. Puis il y eut la terrible gelée de la fin de l'hiver  de 1956, et la crise viticole aidant, peu à peu les tracteurs sont devenus plus rares, les enfants ont grandi et sont allés étudier puis travailler à la ville. Le village s'est dépeuplé, puis la mode des résidences secondaires aidant, vieilles maisons et terrains boisés ont attiré de nouveaux habitants.    Aujourd'hui,  seuls 3 ou 4 tracteurs circulent encore dans les rues du village tels des fantômes errants surgis d'un passé révolu. Lotissements et autres constructions ont amené avec les nouveaux résidents un flot quasi-ininterrompu de voitures bruyantes et polluantes. Le village compte désormais 1300 habitants. certains l'affublent même du nom pompeux de ville.  Il est vrai que les nouveaux habitants ont des airs de citadin. Ils ont amené leurs habitudes. Certains font même en sorte de parler sans accent, comme si l'accent du Midi devait être rangé au rayon des traditions disparues. Cet accent je le revendique haut et fort comme celui de ma terre, celle où mes ancêtres sont nés et reposent. pour moi elle est comme sacrée et on ne peut pas y faire n'importe quoi au prétexte de modernité. Je rêve pour mon village d'un urbanisme pensé, modéré, en harmonie avec le paysage. La réalité est différente et nos villas et lotissement sont aussi laids ici que partout ailleurs. Pauvre terre livrée aux margoulins de toute sorte.

  Avec la poignée des anciens habitants du village qui comme moi ont connu la fin de l'âge d'or de la vigne et des moissons j'ai de plus en plus le sentiment de faire partie d'une race en voie de disparition, je me sens devenir chaque jour un peu plus indien au fur et à mesure que disparaissent les traces, les signes et surtout les gens qui ont fait vivre les plus belles heures de ce village. Comme on le dit en Afrique, chaque vieillard qui meurt, emporte avec lui son livre, et le cimetière est une grande bibliothèque à jamais disparue.

  C'est un peu pour cela que depuis maintenant 25 ans je suis fidèle à la tradition de la crèche de mon enfance, me souvenant du temps où sur le buffet de ma grand'mère, quelques jours avant Noël, j'installais avec son aide une montagne faite en papier rocher au pied de laquelle j'installais une étable avec les santons de la sainte famille, les rois mages et quelques santons provençaux, dont une arlésienne et un gardian de Camargue dont je me souviens encore.   ma crèche 2003

  Au fil des ans ma crèche a grandi dans un décor de garrigue avec son village imaginaire qui n'est pas le mien mais qui y ressemble avec ses paysans et se métiers d'autrefois. Nostalgie quand tu nous tiens...  oui, mais pas seulement, désir avant tout de faire connaître, de transmettre une part de nos traditions, de façon la plus vraie possible en les préservant de la mode provençale de pacotille, celle qui consiste à vendre dans les boutiques à touristes des sachets de lavande, du miel, du savon de Marseille et autres poudres aux yeux qui n'ont rien à voir avec la culture provençale authentique.

   Bienvenue dans ma crèche, il est temps de la voir en photos. Je reviendrai expliquer pourquoi elle est faite ainsi et pas autrement, à quelles règles elle obéit.... à suivre.

Rédigé par David

Publié dans #le village au fil des jours

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A
Cet article est très touchant. Pour ma part j'ai 16ans, j'abite depuis ma naissance à Beaulieu, ma famille est dans ce village depuis plus de 100 ans, mes grand parents étaient agriculteurs. J'ai deux cheveaux, part contre je n'ai pas connue le temps des charettes :) peut importe. Tout ça pour dire que moi aussi, même encore plus jeune que cette transformation, vois mon village évoluer. Et de toute façon rien ne pourra changer cela. Même pas la révolte !
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D
<br /> Merci Adèle, ta réponse est aussi très touchante et je dois probablement connaître ta famille. Le village change et évolue constamment mais pas forcément en bien. il a perdu le charme de son passé<br /> sans pour autant avoir trouvé une identité nouvelle, un nouvel art de vivre.  La fête, les traditions permettent de se retrouver mais les contraintes de la vie de tous les jours reprennent<br /> vite leurs droits. Oui le village de mon enfance n' est plus qu'un souvenir de paradis perdu même si la vie n'était pas non plus toujours facile et des plus agréables. Avec tes chevaux tu gardes un<br /> peu le lien qui existait avant avec les animaux et la nature.<br /> <br /> <br />
N
Je suis très touchée par tes commentaires car j'ai les mêmes sentiments par rapport  à mon village. Tout change et ça devient de plus en plus un village dortoir. Chaque fois qu'un ancien part, il emmène avec lui un peu de l'ame du village et quand j'y retourne j'ai toujours un peu la nostalgie "du temps d'avant".<br /> Bon ! avant de déprimer je vais vite continuer ma visite !<br /> Félicitations, ton blog est génial !
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D
Merci Nanou. Mais je reste fidèle au site de Ma Crèche Provençale qui est irremplaçable. Le blog me permet d'aller plus loin , de publier davantage de photos et d'ouvrir le monde des santons à ma vison des choses.
H
Je suis simplement trés ému devant ces commentaires sur le village et pour cause.... et certaines photos oubliées ....<br /> merci daniel .amitiés . Henri
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D
merci Henri, je vais présenter un jour ta crèche et  tes constructions !amitiés.<br />  
V
j'aime bien l'histoire que tu  racontes mais c'est trite comme vision!!!!!c'est sur que certains veulent rentrer dans un moule pour l'accent mais moi j'aime bien mon accent toulousain; il est comme le tien il chante et c'est beau!!!vive la diffèrence!!!!!! bisous
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D
Je crois vraiment que j'ai assisté à quelque chose d'aussi important que la fin des dinosaures. Mes parents étaient viticulteurs depuis des générations. Deuis des temps immémoriaux on a toujours cultivé la vigne par ici. J'ai vécu la fin de cette époque, aujourd'hui, il n'y a presque plus d'agriculteurs,  90% des habitants travaillent à la ville. La plupart n'ont pas connu les chevaux et les charrettes. Je me sens vraiment comme un indien. Quand je vois les terres agricoles en jachères ou transformées en enclos pour chevaux, j'en suis malade. les lotissements peu à peu s'installent partout, tous aussi laids les uns que les autres. Ce que je comprends le moins c'est ça, toutes ces constructions horribles, faites à la va vite et le moins cher possible sans penser aux paysages, à l'environnement. Comment ne pas être révolté après ce spectacle?bises.
M
merci daniel pour ton site il est bien a ton image passionne et tellement interessant je te remercie pour ton aide et pour avoir fait surgir une passion qui devait déjà exister mais était à l'étatlatent a bientot pour aller chez CANUTje vous embrasse tous les deuxmarie jo
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D
Merci Marie Jo et j'espère que notre petit groupe va grandir et  donner envie à d'autres habitants du village de nous rejoindre. Et bravo encore pour la crèche de cette année que tu as faite avec Maurice. D'ici la fin de l'année vous avez le temps de peindre plein de moutons pour faire une super transhumance ! Et à bientôt pour aller voir Canut.amitiés,Daniel<br />