La dernière danse.

Publié le 2 Octobre 2006

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Vincent et Mireille, les amoureux
Marius Chave

Dans les années 50, la fête du village c'était vraiment la fête. Il n'y avait pas alors d'abrivado ni d'enciero. Le taureau à la corde sortait deux fois par jour. Il n'y avait pas d'arène non plus, ou plutôt si, il y en avait une, mais très provisoire, improvisée. Les viticulteurs conduisaient leurs charrettes à la cave. Installées en cercle, elles formaient un plan. Elles servaient pour la course de nuit, qu'on appelait alors une charlotade, avec au milieu une piscine faite d'une bâche posée sur des ballots de paille. Lire la suite...

Il n'y avait pas non plus de journée à l'ancienne ni de manifestation particulière dite de tradition. Et pour cause, la fête alors était entièrement traditionnelle avec les pins plantés comme des poteaux auxquels les jeunes accrochaient des guirlandes de buis colorées par des fleurs en papier crépon. Pas de gardians à cheval ni d'arlésiennes, ce n'était pas la tradition d'alors. La tradition d'alors c'était tout simplement  la fête comme on la faisait à ce moment-là. Elle ressemblait aux fêtes d'avant-guerre, et certainement à celles d'autres temps plus anciens encore. La fête était alors patronale et avait lieu début août pour la Saint Pierre aux liens, mais le curé ne risquait pas comme aujourd'hui de dire une messe en provençal avec tout le décorum. Le curé désertait le village, car en ce temps là pour les gens d'église, si Satan ne menait pas le bal il n'en était pas loin et les mères et belles-mères formaient un cercle autour de la place avec leurs chaises où elles s'installaient pour surveiller leur progéniture et les couples de danseurs qui se formaient. Il flottait sur le bal un air qui sentait déjà des noces futures. Les amoureux se fréquentaient avant de se fiancer. Dès qu'un garçon fréquentait une fille, les langues allaient bon train, et les imaginations aussi. D'aucuns pensaient déjà aux arrangements possibles, aux vignes qui se retrouveraient ou non dans la corbeille des mariés selon que l'un ou l'autre était riche ou pauvre.

 En fait, n'en déplaise aux gens d'église, faute de Satan, c'était bel et bien  l'orchestre de Raoul Remolino qui menait le bal. Avec l'entracte avant minuit que précédait la danse d'invitation, celle après laquelle le cavalier offrait à boire à sa cavalière une orangeade ou une limonade au café d'en face tenu par Juliette et Edouard. Puis c'était la dernière danse à 1 heure du matin. Il n'ya avait pas de fête sans la soirée dite de concert. Un soir de la fête, le concert tenait lieu de première partie à la place du bal. Chacun venait avec sa chaise pour entendre des chansons célèbres ou des airs de cabaret joués par les musiciens. Un présentateur racontait entre deux chansons des histoires légères que l'on disait salées et que nos parents ne voulaient pas qu'on écoute. Heureusement pour nous il y avait Tonton Blaise, un marchand de bonbons qui venait exprès pour la fête. On l'attendait comme le Messie. Il y avait aussi un stand de jeu de roulette pour les aventuriers d'un soir qui  frimaient comme s'ils étaient au casino. Je plaignais ceux qui perdaient car je croyais sincèrement qu'ils se ruinaient au jeu. Et quand certains chanceux gagnaient je craignais qu'ils perdent leurs gains en étant tentés de les remettre en jeu. Le spectacle de ce que je ressentais profondément comme de l'immoralité me fascinait sans que je puisse pourtant le formuler.  

 

 

Rédigé par Daniel

Publié dans #le village au fil des jours

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