Quand Margarido était jeune.

Publié le 20 Juin 2006

Elle aussi  porte un panier sous un bras et tient une pompe dans son autre main. Elle n'a pas de chapeau sur sa coiffe, elle pourrait s'appeler Margarido, mais une Margarido jeune, son visage n'est pas celui d'une vieille même s'il s'agit d'un vieux santon, très vieux même, non signé, comme c'était le cas avant les années 1920. Il est léger car très mince, bien creux à l'intérieur, avec à peine une couche fine d'argile. Le moule qui a servi à le faire était usé, les traits du visage sont comme flous, ils se sont estompés peu à peu. Les couleurs sont patinés à souhait, leur matière est lisse, les doigts glissent dessus comme une caresse. Dessous l'argile est restée vivante. Femme de la campagne, elle fait partie des santons qui vont offrir ce qu'on appelle aujourd'hui les produits de la ferme ou du terroir. En bonne maîtresse de maison, avant de partir pour la crèche elle a rempli son panier en puisant dans les provisions qui garnissent les placards de l'arrière cuisine. Charcuterie, confitures, fromages, oeufs, figues sèches et pâte de coing. Difficile de savoir, ici un torchon étalé sur le panier protège les victuailles.

 A la campagne il y a toujours à manger à la maison sans aller courir à l'épicerie. Au village notre mère n'était jamais prise au dépourvu, elle avait un malin plaisir à improviser tout un repas de fête pour des visiteurs de passage qu'on n'attendait pas mais qu'on gardait à table pour le repas. Les paysans se privaient de tout sauf de bien boire et bien manger. A la maison il y avait  toujours quelque chose de prêt à l'avance pour le cas où, comme cette pompe, un genre de fougasse d'Aigues-Mortes comme on l'appelle chez nous.

 Nombreux sont les santons qui comme Margarido s'en vont d'un pas joyeux vers la crèche en emportant de la nourriture pleins les bras. On les appelle des offrants, sauf André François qui dans son livre "Santouns" préfère le vocable gentiment désuet de donatrice ou donateur. Normalement dans un crèche à part les figures de la sainte famille, les personnages bibliques, tous les autres sont soit des offrants, soit des orants qui prient à genoux ou s'émerveillent debout les bras en l'air comme le ravi. Par extension on suppose que les autres santons qui ont un métier et sont représentés occupés à leurs affaires ou à leur travail comme le forgeron, le laboureur ou le vannier iront plus tard offrir quelque chose qu'ils ont fait eux même.

 Dans une crèche il faut faire en sorte que chaque santon, chaque scène ait un lien, un rapport avec l'évènement qui est sa raison d'être : la naissance de l'enfant Jésus. Ce n'est pas forcément avant tout une histoire de religion, on peut croire ou pas, mais la crèche c'est la crèche, c'est une très vieille histoire que l'on met en scène en respectant ses origines et les traditions qui l'entourent. Une crèche c'est bien autre chose qu'une scène de nativité posée au fond d'un village provençal avec ses figures et ses métiers. Une crèche doit avoir un sens, celui que l’évènement de la nativité vient apporter à ce village provençal qu’elle investit. Comme les santons la crèche que l’on fait chez soi est un peu comme une œuvre d’art, et j’en connais de très belles qui ont leur place dans les musées. Mais pas ces soi-disant villages provençaux, ces évocations d’une Provence à paillettes, véritables usines à touristes pressés, installées dans des hangars avec grand parking devant. J’arrête là car j’angoisse, on se croirait dans des supermarchés du santon.

 santon ancien, non signé.

 

Rédigé par Daniel

Publié dans #crèches et santons

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J
<br /> <br />  Je viens d'avoir la confirmation de ca que je vous écrivais : il s'agit bien d'un santon de Thérése Neveu , il figure à la page 112 et figure en non peint et dans une taille plus réduite<br /> dan le cataloguede de M. Henri Amouric relatant et illustrant l'exposition " Ma belle Santonnière " qui vient de clore ses portes à l'espace musée Therese Neveu d'Aubagne .<br /> <br /> <br />     Ce santon est celui de la" Femme à la pompe " et au pannier , mentionné une seule fois dans la documentation et archives restantes de la famille ,  à la date de 1930 .<br /> <br /> <br /> Cest donc une pièce très rare , probablement d'argile coulée et peinte à la détrempe et à la gomme arabique  <br /> <br /> <br /> <br />
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J
Tous mes meilleurs voeux également pour vous même et tous ceux qui vous sont chers . ET avec toutes mes excuses : la joie de retrouver un vieux santons des Neveu me fait manquer de politesse  
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J
qu'il soit creux et léger , ce n'est pas du tout surprenant s'agissant d'un santon cuit  très probablement de l'atelier "des Neveu"  C'était la technique de l'atelier familial . très surpris moi même de voir ces beaux santons creux , j'ai eu la chance de pouvoir m' ouvrir de ce problème à Marie Rose Neveu ,la soeur d'Etienne et la fille de Thérèse Neveu ; Marie Rose m'a alors dit qu'un santon creux était beaucoup plus solide à l'usage qu'un santon plein , je crois que nous en avons ici la preuve aujourd'hui   les Neveu signaient rarement à la peinture , sauf le nom inscrit ds l'argile avec un grand N majuscule caractéristique ou alors plutôt avec le sceau du Double N gravé ds l'argile avant cuisson
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J
ce santon ancien me parait précieux peut-être l'un des premiers santons cuit de Thérèse Neveu , il en porte à mon avis la quasi  signature dans la forme du socle et des pieds , la couleur un peu fanée aujourdhui (les couleurs étant délayées à l'époque m'a t'on dit, au pétrole lampant)  , la forme du foulard à pois noué sans parler du panier ...bref toute l'allure et la manière il ne serait pas surprenant que sous le socle figurât le sceau des Neveu : le double NN (l'un ds l'autre) 
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D
<br /> merci pour cette explication. Mais il n'y a malheureusement aucune signature sous le santon ni de double N.<br /> <br /> <br />
J
ce santon a tout l'air d'être de l'atelier des Neveu , il faudrait verifier que sous le socle il n'y ait pas leur sceau le double N (l'un ds l'autre)
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